2000-04-01 Petite histoire d'une grande passion
Gaétan Duquette
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours collectionné les oiseaux. J'ai encore le petit livret que j'ai complété à l'âge de 10 ans avec les 48 cartes d'oiseaux chanteurs que ma mère trouvait dans les boîtes de thé Red Rose.
Plus tard, j'épinglais sur les murs de ma chambre, tels des grands papillons, les ailes des oiseaux que je tuais à la carabine à plomb. Adolescent, je me suis fait un scrap-book (comme on le disait à l'époque) sur les oiseaux du Québec; son contenu hétéroclite provenait d'illustrations découpées un peu partout, parfois dans des livres coûteux. J'ai toujours observé les oiseaux au moins du coin de l'œil et j'avais déjà 165 espèces à mon actif quand j'ai rencontré en 1976, à l'île des Soeurs, un "cocheur" comme on nomme dans le milieu celui qui essaie de voir le plus d'oiseaux différents possible. Depuis ce temps, les jumelles font partie de ma vie et c'est en grande partie pour voir de nouveaux oiseaux que j'ai atterri sur six continents et quelques îles pour en observer (collectionner...) plus de 1 650 espèces.
En mai 1997, pour mon anniversaire, ma conjointe m'a offert le catalogue Collect Birds on Stamps (Stanley Gibbons, 1996), mon premier album ainsi qu'une enveloppe avec 1 000 timbres usagés. Elle ne réalisait sûrement pas à ce moment ce qu'elle faisait. Tout de suite, la profusion de tous ces timbres d'oiseaux différents m'a fasciné. Leur variété, leur beauté, leur originalité m'a instantanément charmé. Je venais, à 48 ans, de donner une nouvelle orientation à ma passion.
Dès le début, j'ai préféré classer mes timbres par familles d'oiseaux plutôt que par pays, mettant ainsi l'accent sur les espèces. J'ai aussi rejeté d'office tous les timbres représentant des oiseaux domestiques, héraldiques et symboliques, comme le faisait le catalogue. Pour ne pas éliminer trop de timbres, j'ai considéré qu'il n'était pas nécessaire qu'un oiseau fréquente le pays émetteur du timbre pour faire partie de ma collection. Voir des manchots du continent antarctique sur des timbres d'Haïti ne me dérange nullement; au contraire, je trouve ce côté inusité absolument charmant.
Les 9 900 espèces d'oiseaux du monde sont divisées en 175 familles*; tout le monde connaît par exemple les perroquets (Psittacidés), les hiboux (Strigidés) ou les hérons (Ardéidés). Dans un premier temps, il me fallait absolument obtenir au moins un timbre représentant un oiseau de chaque famille. À l'époque, 163 familles étaient illustrées (trois nouvelles se sont ajoutées depuis). Si certaines familles comme les canards (Anatidés) et les aigles (Falconidés) ont été très faciles à trouver, d'autres ont exigé plus de temps; en effet, dix familles ne sont représentées que par un seul timbre et une quinzaine d'autres que par deux ou trois. J'ai aussi rapidement réalisé que les numéros du catalogue anglais Stanley Gibbons n'était pas ceux du Scott américain, la référence des vendeurs; j'ai donc dû faire de nombreuses visites à la bibliothèque de St-Lambert pour établir des équivalences.
En juin 1999, toutes mes familles étaient trouvées. En parallèle, je me suis aussi intéressé dès le départ aux espèces disparues. L'Archéoptéryx, ancêtre de tous les oiseaux, m'a toujours fasciné, tout comme le Dronte de Maurice (le Dodo de mon enfance). Le Stanley Gibbons répertorie 26 espèces éteintes; en faisant des recherches pour trouver le pourquoi et le moment de leur extinction, j'ai pu ajouter vingt autres espèces à la liste, ce qui m'a permis de créer une sous-thématique, rangée dans un album à part. Comme plus de 1 200 espèces sont actuellement menacées, cet album risque malheureusement de s'épaissir. J'ai des timbres illustrant les trois espèces disparues du Québec, soit le Grand Pingouin (1844), l'Eider du Labrador (1878) et la Tourte voyageuse (1914).
En 1985, on célébrait le 200e anniversaire de la mort de John James Audubon, un peintre naturaliste qui a reproduit 400 oiseaux d'Amérique du Nord en grandeur nature sur des toiles de près de 1 m2. Pas moins de 40 pays ont commémoré l'événement en émettant des reproductions de ses oeuvres. Voilà qui pourrait devenir éventuellement une autre sous-thématique intéressante.
Évidemment, les timbres rappellent les images des guides d'identification et font remonter en moi de nombreux souvenirs. Non seulement les espèces que j'ai observées mais aussi celles que je n'ai pas réussi à voir. J'ai plusieurs oiseaux fétiches dont l'achat des timbres est devenu compulsif: le Quetzal, le Gypaète, le Tichodrome, les Labbes, etc. Si ces noms ne vous disent rien, je m'en excuse. C'est que, naturellement, il est plus intéressant d'exprimer sa passion dans sa langue. Aussi, pour le francophone qui veut s'y retrouver à travers tous ces noms en latin et en anglais, il existe un ouvrage qui pourra devenir vite un complément indispensable: intitulé Noms français des oiseaux du monde (MultiMondes/Chabaud, 1993), il donne la liste des 9 913 oiseaux du monde.
Mon nouveau dada consiste à rectifier les identifications erronées, soit dans les catalogues, soit sur les timbres. Évidemment, mes guides d'identification trouvent alors leur pleine utilité. On peut partager nos découvertes avec d'autres "timbrés" qui ont mis généreusement leur collection sur des sites internet. Je pense à Chris Gibbins dont le site (http://www.bird-stamps.org/) permet de voir des milliers de timbres d'oiseaux même s'il ne collectionne que les timbres émis par les pays que les oiseaux fréquentent et à Kjell Scharning (http://www.birdtheme.org/) qui offre la liste des 15 500 timbres et des 2 950 espèces émis à ce jour. Grâce à eux, je peux tenir mes dernières trouvailles à jour. Récemment, j'ai découvert un deuxième catalogue nommé FAUNA Aves/Birds (Domfil, 1999). Bilingue (espagnol/anglais), il illustre aux 2/3 de leur taille réelle presque tous les timbres émis jusqu'en 1999 (le Stanley Gibbons n'illustre que le premier timbre de chaque série aux 3/4 de sa taille réelle). Le Domfil a un grand défaut: les identifications sont souvent erronées ou trop simplistes (ex: hawk, dove, parrot); il peut être un complément intéressant mais n'est sûrement pas un outil de base.
Et maintenant, où en suis-je ? J'essaie de trouver des timbres avec oiseaux des 27 pays qui me manquent et je cherche à obtenir des espèces que je n'ai pas encore. La spirale est bien amorcée et avec quelque 1 400 espèces acquises à date, beaucoup de plaisir m'attend encore.
* La classification, pour tenir compte des dernières découvertes, doit être continuellement remaniée. Aussi, le nombre d'espèces et le nombre de familles varient selon les auteurs.
N.D.L.R.: L'auteur est un nouveau philatéliste et aussi un nouveau membre de l'Association.
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