2000-03-01 La monnaie - prix vs quantité
Marc Pelletier
Dans un monde très évolutif , le changement est perpétuel et cela , même en numismatique . Le lien , que l'on peut être tenté de faire entre le prix d'une pièce et la quantité frappée , nous donne souvent une mauvaise lecture de la réalité .
De fait , de nombreux facteurs entrent en ligne de compte pour fixer le prix de chaque pièce et l'impact , de chacun de ces facteurs , prends plus ou moins d'importance au fil des ans .
Quels sont les facteurs qui contribuent à fixer le prix d'une pièce ?
--- Pièce type frappée pour une seule année : la pièce type , par l'intérêt qu'elle suscite auprès des collectionneurs , se voit attribuer une sur-cote par rapport aux autres pièces dont le modèle , souvent peu original , se perpétue année après année . La pièce d'un centième de piastre de l'Indochine , illustre bien la pièce type d'une seule année.
--- Le nombre réduit d'années de frappe dans certains pays , peut devenir un facteur déterminant . L'exemple de la Guadeloupe me semble éloquent à cet égard : au cours de la période de la " Troisième République " , de 1871 à 1940 , le 50 centimes et le 1 franc furent frappés en 1903 et 1921 seulement . Le choix très restreint , qui s'offre aux collectionneurs intéressés à la Guadeloupe , crée une pression à la hausse sur la demande et par conséquent sur les prix .
--- Les quantités mises effectivement sur le marché : voilà un facteur important . Certaines pièces , produites en assez grande quantité , furent refondues en partie ou en quasi totalité avant leur mise en circulation et ce , pour diverses raisons . La liste d'exemples pourrait être assez longue , mais je me contenterai de vous en identifier quelques-uns qui cadrent bien avec ce propos .
Tunisie : 10 et 20 centimes 1945
Vietnam : 50 dong 1975
Maroc : 100 francs 1370H. (1951)
--- La reproduction photographique d'une pièce dans les catalogues de référence joue aussi très fortement . Ce facteur a d'autant plus d'impact si la photo revient dans divers catalogues et ce , depuis de nombreuses années . C'est le cas des pièces de 1 et 2.5 dirhams de 1331H. (1912) du Maroc, que l`on peut voir depuis plus de trente ans dans les catalogues de "Yeoman" , "Gadoury" ou "Krause" . Ce facteur influence évidemment les prix à la hausse .
--- La non-visibilité joue aussi , mais dans le sens inverse . Il est un fait incontournable que l'on ne peut ignorer en l'an 2000 : "l'IMAGE" , qu'elle soit à l`écran ou dans les médias écrits , joue un rôle capital .Mais attention , cela ne s'applique pas uniquement aux vedettes de tout acabit . En numismatique , les pièces qui sont plongées dans l'anonymat le plus total sont fortement sous-évaluées : leur demande est moindre puisqu'elles sont peu connues . L'exemple suivant d'une pièce du Maroc , soit la 2 mazunas , 1322H. (1904) de Fez , difficile à trouver en bon état , illustre bien cette situation .
Vous verrez exploser le prix de cette pièce , dès qu'elle sera mise en lumière et que sa rareté sera reconnue . De fait , si vous regardez attentivement les catalogues de monnaies , vous découvrirez à chaque année de nouvelles vedettes qui font surface et dont la rareté vient d'être attestée . Heureusement que la connaissance évolue sans cesse , car où serait le plaisir de collectionner si tout était définitivement connu et stable .
--- Toute autre situation ponctuelle qui donne de la visibilité à une pièce peut faire bondir le prix . A cet effet , les encans réputés , comme ceux de "Spink" à Londres ou encore "d'Elsen" à Bruxelles , jouent un rôle déterminant dans ce sens . En décembre 1998 , lors d'un encan "d'Elsen" , une collection bien illustrée et très publicisée de pièces du "Canal de Suez" de 1865 s'est vendue à fort prix . Dans le même sens , apparaissent chaque jour sur Internet des pièces qui retiennent l'intérêt des collectionneurs : une fois de plus , la visibilité a joué son rôle accrocheur .
--- La pièce reconnue comme la pièce clef d'une collection devient par conséquent plus exposée et attire , de ce fait , l'attention et la convoitise des collectionneurs .Il n‘y a donc pas de surprise si ceux-ci sont disposés à l‘acquérir à prix fort . Le dollar 1948 du Canada et le 5 dirhams 1314H. (1896) du Maroc font partie de cette catégorie et sont tous deux hautement cotées dans les catalogues .
Somme toute , sans prétendre avoir couvert le sujet dans sa totalité , je crois vous avoir présenté quelques facteurs qui influencent le prix des pièces . De fait , s'il fallait s'en tenir uniquement aux chiffres connus pour le nombre de pièces produites , les catalogues ne serviraient à rien ou encore ne serviraient qu‘une fois pour toutes . Il suffirait alors d‘appliquer un coefficient multiplicateur pour être bien informé . Mais les catalogues sont produits pour servir comme "Indicateurs de prix" et , à cet effet , il ne faut pas leur donner une fiabilité hors de tout doute . D'ailleurs , une utilisation différente de celle-ci ne correspondrait pas à l‘objectif recherché par les auteurs , en particulier pour les pièces ciblées ci-dessus .
Le monde change , les collectionneurs changent , les goûts changent et le degré de connaissance évolue . Seule l‘observation attentive des prix atteints , lors de ventes bien réelles , permets de donner à certaines pièces de vos collections la cote la plus fiable possible.
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