2001-02-01 Les origines de la monnaie
Yvon Marquis
Qu'est-ce que la monnaie? Plusieurs réponses peuvent être données à cette question. Quintus Horatius Flacus qui naquit 65 ans avant Jésus-Christ disait: «L'argent est un serviteur à portée de la main si l'on sait s'en servir, et une maîtresse si l'on ne sait pas.» Comme plusieurs le disent, l'argent (dans le sens de monnaie) est un bon serviteur mais un mauvais maître.
De nos jours, tous seront d'accord pour dire que la monnaie est avant tout un moyen d'échange. Une définition plus précise pourrait se lire comme suit: Une pièce de monnaie est un morceau de métal sur lequel un motif est imprimé et qui est émis par une autorité gouvernementale pour être utilisé comme monnaie. Le poids et la valeur peuvent être indiqués sur la pièce, et la valeur est garantie par le gouvernement qui émet cette pièce.
Pendant longtemps, avant l'avènement des pièces métalliques et de la monnaie de papier, lorsqu'un individu avait besoin de quelque chose, il l'obtenait par le ‘troc'. D'après la Bible, le premier millionnaire s'appelait Abraham. il n'avait pas de monnaie dans ses poches mais possédait de l'or, de l'argent et du bétail. Le bétail qui servait alors de monnaie d'échange avait pour nom ‘pecus' et c'est de là que nous vient le mot ‘pécuniaire'. Ainsi, plusieurs produits d'usage courant ont tenu lieu de monnaie pendant longtemps. Les épices ont servi de moyen d'échange dans plusieurs pays, alors que le poivre qui était considéré comme un luxe jusqu'au XVIie siècle était parfois offert en dot à l'occasion d'un mariage.
En Angleterre, avec une livre de clous de girofle on pouvait acheter une vache. Le 15 février 1712 on proclamait monnaie officielle du Brésil, les clous de girofle de même que le sucre et le tabac et on se servait de ces produits pour payer la solde des troupes. Le sel sous différentes formes était également un article de commerce prisé dans certains pays comme la Chine, le Mexique, le Tibet, l'Éthiopie et dans d'autres parties de l'Afrique dont certaines où l'on pouvait acheter une femme avec 50 livres de sel.
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Drachme de Tessalie, 400-344 AD. |
Dans la Rome antique, les soldats étaient payés en partie avec du sel. Ce type de rémunération s'appelait ‘salarium' mot latin signifiant ‘de sel' et c'est de là que nous vient le mot ‘salaire'.
Dans certains pays, on pouvait «payer» avec une plume tous les articles dont on avait besoin. Toutes les plumes brillamment colorées avaient une valeur d'échange mais les plus précieuses étaient les plumes vertes de la queue du quetzal, cet oiseau qui encore de nos jours figure sur le drapeau, la monnaie et les timbres du Guatemala. Pour leur part, la monnaie et les timbres des Îles Fidji font voir une dent de cachalot, qui autrefois servait de monnaie sur ces îles. Outre les produits ci-haut mentionnés et bien d'autres, les outils et les armes servirent de monnaie et qui parmi nous n'a pas entendu parler de la traite des fourrures qui fut à l'origine de la colonie qui a donné naissance au Canada. On nous rapporte même que les commerçants demandaient 16 peaux contre un fusil, alors qu'en Europe, une peau valait 16 fusils.
L'avènement de la monnaie métallique eut un impact très important sur le développement des civilisations avancées. Bien que les métaux furent utilisés comme monnaie et qu'une valeur d'échange officielle leur fut attribuée par les gouvernements, plusieurs autres avantages menèrent à leur utilisation permanente. Un de ces avantages est que le métal, et plus particulièrement l'or, est pratiquement indestructible. De plus, le métal ne pourrit pas, ne s'affaiblit pas et ne présente pas de problème d'entreposage. Comme le métal peut être fondu et moulé sous différentes formes et en différents poids, il peut donc représenter différentes valeurs ce qui est très important. Peu importe la valeur qui leur est attribuée, les pièces, qu'elles soient d'or, d'argent ou d'un autre métal sont facilement transportables sans encombrement comparativement aux troupeaux et autres produits utilisés antérieurement. Un dernier avantage est que le métal a une valeur en lui même, peu importe la valeur monétaire qui lui est attribuée. Plusieurs personnes ont profité de cet élément au début des années 1980 alors que la valeur métallique d'une pièce canadienne en argent était de loin supérieure à sa valeur nominale. A titre d'exemple, une pièce de vingt-cinq cents valait environ quatre dollars, soit seize fois sa valeur commerciale.
L'utilisation des métaux comme monnaie a également aidé grandement au développement du commerce international. C'est le développement d'un système uniforme de poids et mesures par les Babyloniens qui amena le développement d'une monnaie métallique uniforme, ce qui contribua à la domination commerciale de la civilisation Babylonnienne-Assyrienne à cette époque.
C'est l'or qui fut le premier métal à être utilisé comme monnaie. Dans l'ancienne Égypte, le Pharaon Mènes imprima de petits morceaux uniformes environ 3200 ans avant Jésus-Christ. Par après, les lois égyptiennes permirent l'utilisation d'anneaux d'or de différents poids. La première pièce authentique fabriquée d'or fut émise par Crésus de Lydie, 550 ans avant Jésus-Christ.(Être riche comme Crésus...)
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Sesterce de l'Empire Romain, 140-143 AD. |
En Grèce, on favorisa les pièces en argent puisque ce métal était disponible en abondance. Notons en passant que l'excellence des portraits qui apparaissent sur les pièces grecques n'a jamais été égalée. Dés lors, les banques grecques firent rapidement leur apparition et établirent très vite une différence entre les débiteurs et les créditeurs. Car, avec l'avènement de la monnaie métallique, un nouveau problème fit son apparition. C'était la facilité avec laquelle un individu pouvait contracter des dettes avec d'autres, prêts à lui consentir des ‘prêts' à leurs conditions. Donc, pour obtenir un prêt dans une banque grecque, l'individu devait donner en garantie, une propriété, une terre, ou s'il ne possédait pas de biens, il offrait sa personne ou un membre de sa famille en garantie. Si le prêt n'était pas remboursé l'emprunteur était vendu comme esclave.
Les premières pièces grecques frappées sur la base d'une unité d'argent étaient appelées ‘drachmes'. Les pièces d'argent plus petites étalent basées sur l'obole' qui valait un sixième de drachme. D'autre part, la principale monnaie d'argent à Rome était le ‘denier' dont la première émission remonte à près de deux cents ans avant Jésus-Christ. La plus grande monnaie impériale était le ‘sesterce' qui valait le quart d'un denier.
A l'Âge de Fer, la Grande Bretagne était un État divisé en plusieurs royaumes avec des capitales, des districts délimités, des frontières et un système économique qui prenait forme. Longtemps avant que Jules César ne raconte son voyage en Bretagne, 55 et 54 ans avant Jésus-Christ, un système monétaire reconnu et sophistiqué existait déjà. L'origine des premières pièces britanniques peut être retracée en Macédoine et en Grèce, le long des côtes de la Méditerranée. Cette monnaie en étain était basée sur le drachme et demi-drachme en argent de Messalie. A la même époque les pièces d'or et d'argent émises en Gaule par les tribus belges circulaient parallèlement. Ces pièces étaient copiées sur les pièces d'or de Philippe II de Macédoine, le père d'Alexandre le Grand.
La valeur d'une pièce de monnaie est souvent calculée selon ce que l'on peut acheter avec. Il existe également une valeur due à la ‘rareté' de certaines pièces. Mais la plus grande valeur des pièces réside certainement dans les événements et les hommes dont elles racontent l'histoire. Les pièces racontent autant la progression de certains peuples que la régression de d'autres, depuis leur début iI y a près de 2600 ans. Souvent les pièces sont les seules traces d'événements ou de personnages dont il n'est fait mention nulle part ailleurs. Si on sait les lire, les pièces ajoutent souvent aux faits connus. Les portraits que l'on y retrouve en disent très long sur l'histoire comme c'est le cas pour les pièces émises par l'Empereur Auguste, peu de temps après le meurtre de Jules César. Ces pièces montrent clairement la barbe que porte l'Empereur et qu'il avait juré de ne pas couper avant que le meurtre ne soit vengé. Les meilleurs portraits d'Alexandre le Grand sont ceux que l'on retrouve sur les pièces de cette époque. Dans les dernières années de son règne, le roi Henri VIII, mieux connu pour d'autres raisons, fut surnommé «Vieux nez de cuivre» pour avoir modifié les pièces en argent de sorte que celles-ci contenaient deux tiers de cuivre. En Angleterre, il est possible de retrouver sur certaines pièces les édifices datant de l'époque de William III et dont les fenêtres avaient été briquetées. En effet, en 1695 William dévalua la monnaie et pour aider à défrayer le coût de fabrication de nouvelles pièces. II déclara une ‘taxe de fenêtre' sur toutes les maisons qui avaient plus de six fenêtres. Cette loi incita plusieurs propriétaires à condamner certaines fenêtres de leur demeure pour éviter de payer cette nouvelle taxe.
Au fil des ans, les gens qui tentèrent de contrefaire la monnaie furent punis de différentes façons. Certains eurent la main coupée, d'autres furent condamnés à la peine de mort et en Chine, les bons contrefacteurs se virent offrir des emplois bien rémunérés au sein de la Monnaie Impériale. Comme on peut le voir, qu'elles soient d'or, d'argent ou de cuivre, les pièces de monnaie sont de toutes les traces laissées par les civilisations antérieures, les plus constantes. La collection de ces pièces est comme un tapis magique qui nous transporte à travers les âges.
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